Dahi Nestor, patron de la JFPI

Les artisans de la victoire de Gbagbo (acte 7) La JFPI : un immense trésor pour le FPI

  • Kifuima TOURE
  • 28-01-2021 à 10:27
Un parti politique moderne tient sa vitalité de sa jeunesse. Le Front populaire ivoirien (FPI) a fait de cette vérité une source vivifiante de sa politique. De Franck Komenan à Dahi Nestor, l‘exemple d’une jeunesse de parti dynamique et militante n’est p

Conservatrice de l’idéologie du parti ; résolument engagée dans le combat pour une Côte d’Ivoire libre et démocratique ; souciante de l’intérêt du parti … Au royaume des adjectifs, tous les qualificatifs généreux sont insuffisants pour décrire la situation de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (JFPI). «La jeunesse, c’est l’avenir, c’est le fer de lance. Ce ne sont pas ceux  qui ramassent les assiettes. Nous avons tiré le parti vers le haut», révèle Dahi Nestor, Secrétaire National de la JFPI, Secrétaire Général Adjoint chargé de la Mobilisation et de l’Encadrement des structures du parti.

La JFPI, c’est cette tranche d’âge - 15-34 ans - qui représente les deux tiers du parti, selon la réalité du terrain, un immense trésor pour le parti, selon les observateurs de la vie politique ivoirienne. Tous sont unanimes à reconnaitre que le principal avantage compétitif du FPI réside dans sa jeunesse. Comment ne pas le reconnaître à travers ce témoignage de Dahi Nestor : «Si le FPI existe aujourd’hui, c’est grâce à la JFPI. En 2011, Miaka Ouréto (paix à son âme) nous l’a reconnu. Sangaré Abou Drahamane (paix à son âme) nous l’a reconnu, en 2013, quand il est sorti de prison. Le Président Laurent Gbagbo, lui-même, m’a fait cette confidence quand il m’a reçu à Bruxelles, le 12 novembre 2020: ‘’Fils, je suis fier de vous. Je ne vous connais même pas. Toi et Justin, je ne sais pas qui vous êtes, je connais Blé Goudé, Damana Pickass, Navigué, mais je ne sais pas d’où vous avez sorti votre force pour engager le parti dans la résistance’’», se rappelle-t-il.

 

   Cet engagement, la jeunesse du FPI l’a véritablement manifesté depuis la déportation du Président Laurent Gbagbo à La Haye. Dahi Nestor  se rappelle :«Depuis 2011, le combat de la JFPI, c’est le retour du Président Laurent Gbagbo. Nous n’arrêterons pas de lutter tant qu’il ne sera pas effectivement là.Dans les premiers moments de son arrestation, suivie de sa déportation à La Haye, nous avons vécu dans une atmosphère  de semi-clandestinité. Nous étions souvent déguisés. Nos lieux de réunion n’étaient pas connus. Comme la lutte n’est pas encore finie, on ne peut pas tout dévoiler, mais nous agissions avec beaucoup de stratégie. Il y avait certains qui nous encadraient, qui nous montraient les méthodes pour ne pas se faire prendre. On avait des systèmes de communication, des mécanismes pour nous retrouver. A l’époque, c’était vraiment difficile. Le camarade Koua Justin se déguisait à chaque fois. Malheureusement, il a été arrêté en 2013, au siège provisoire du parti, à Attoban. C’était lors des préparatifs d’une manifestation qui devait se tenir le samedi 7 juin 2013. Quand nos bourreaux sont arrivés sur les lieux, Dieu seul sait comment nous avons été traumatisés. Mais, quand il est parti en prison, nous avons poursuivi la lutte J’ai pris les rênes de la JFPI, en 2013, parce qu’il fallait sauver la maison. J’étais simplement le Secrétaire à l’organisation».

On comprend alors pourquoi depuis sa création, le FPI a fait de sa jeunesse une des  priorités de son action politique. Cet engagement fort et tangible s’est traduit par une forte implication de la JFPI dans le processus de décision. Qui ne se souvient pas, dans des discours de feu Abou Drahamane Sangaré, de cette volonté politique de donner aux jeunes voix au chapitre. Cette volonté a été traduite dans l’action par la nomination des jeunes au sein des organes de décision : Koua Justin et Dahi Nestor au Secrétariat Exécutif et au Secrétariat Général et tous les représentants JFPI des fédérations au Comité central. À tel point que les jeunes du FPI partagent aujourd’hui ce sentiment qu’ils ont le devoir de ne pas décevoir tous les espoirs que la direction du parti place en eux. Cette confiance s’est dessinée au fil du temps. Les préparatifs du Congrès de 2015 en font partie. «En 2014, les choses se normalisent et on commence à reprendre le travail. Le président statutaire d’alors, Pascal Affi N’Guessan, sort de prison. Konaté Navigué rentre d’exil et retrouve sa place de président de la JFPI. Quelques jours plus tard, il est question de la tenue d’un Comité central pour décider de la participation ou non du parti à la présidentielle de 2015. Le Comité central décide que le FPI ne participe pas à ce scrutin parce que les conditions d’un scrutin juste et équitable ne sont pas réunies. Subséquemment, l’organe de décision du parti décide du retrait  d’Alain Dogou de la Commission centrale de la CEI. Le camarade Affi N’Guessan refuse de faire appliquer cette décision du Comité central qui est sans appel en dehors d’un Congrès. Entre temps, Affi N’Guessan trainaient plusieurs déviations dont la dissolution du Secrétariat Général. Konaté Navigué était aussi dans cette logique. Les jeunes du parti, encore nous, se sont retrouvés pour dire ‘’Non’’ à ce qui se passait. Le 21 février 2015, nous nous sommes retrouvés au siège du parti en AGO (Assemblée générale ordinaire, ndlr). Là encore, les jeunes ont estimé que c’est moi qui pouvais diriger  la JFPI, en réponse de ce qu’on pouvait considérer comme une trahison de la part de Navigué. C’est comme ça que, officiellement  le 21 février 2015, j’ai été porté à la tête de la JFPI. Le 04 mars 2015, la réunion du Comité central du FPI nous a donné raison dans la façon dont nous avons géré la situation. Et un Comité central extraordinaire a prononcé la suspension d’Affi N’Guessan ; puis, il  a placé Sangaré Abou drahamane  comme intérimaire à la tête du FPI avec mission immédiate d’organiser le prochain Congrès. C’est comme si c’est nous, les jeunes, qui avions donné la direction à suivre», souligne Dahi Nestor.

Tout à reconnaître que la JFPI n’est pas cette génération biberonnée au haut débit et aux réseaux sociaux. De Franck Komenan à  Justin Koua, en passant par Damana Pickass, Konaté Navigué, la jeunesse du FPI véhicule les clichés d’une jeunesse de parti qui sait ce qu’elle fait, qui sait ce qu’elle veut, qui sait où elle va et qui sait pourquoi elle y va. Partout, à l’occasion des grands mouvements de masses impliquant le parti, c’est généralement la JFPI qui s’est trouvée en première ligne, poussée par son besoin d’absolu, son désir de changement, son courage et son dynamisme. Comme au Congrès extraordinaire de Mama où son opiniâtreté a permis la tenue de cette rencontre. Dahi Nestor raconte : «Le Congrès de Mama était une rencontre pour ne pas accepter la soumission d’où qu’elle vient. Il fallait ce Congrès pour réaffirmer notre ligne idéologique, c’est-à-dire la souveraineté du pays que Affi voulait galvauder. C’est dans la dignité que nous allions récupérer notre souveraineté. Voilà le combat que Sangaré nous a expliqué en ce moment-là.  J’ai passé pratiquement trois semaines à Gagnoa pour mobiliser, sensibiliser les militants pour leur dire qu’on a pris à témoin l’opinion nationale et internationale. Surtout les jeunes parce que j’avais eu vent que le Congrès allait être interdit. Le camarade Koua Justin est venu la veille et je lui ai dit  de prendre le relais parce que trois semaines de terrain m’avaient épuisé. Il s’est tellement bien mis à la tache que le Congrès s’est tenu sans anicroche». Une anecdote hors Congrès, relatée par Dahi Nestor, qu’il convient de révéler pour montrer la détermination de la JFPI : «Le jour du Congrès, tout était déjà fini. Koua et moi étions dans la salle. On attendait impatiemment la direction du parti. Koua appelle au téléphone Koné Boubacar pour lui demander leur position. Et Koné Boubacar de répondre que toute la délégation est bloquée à l’entrée de Ouragahio, Sangaré en tête. Koua quitte Mama pour Gagnoa. Arrivé sur les lieux, il voit des herses dressées sur la voie. Des agents de police sont positionnés de part et d’autre. Si ça ne tient qu’à cela ! Koua enlève tranquillement l’obstacle et le cortège du FPI rentre  à Mama. C’est comme ça que le Congrès a pu se tenir». Pour Dahi Nestor, cette force est un pan de l’héritage reçu des aînés tels que Laurent Gbagbo, Memel Fôté, Sangaré Abou Drahamane, Simone Gbagbo, Akoun Laurent, Miaka Sylvain, Douati Alphonse, Assoa Adou etc. «A notre temps, il était important que l’Histoire retienne que par notre engagement, il y a eu le Congrès de Mama qui a porté le Président Gbagbo à la tête du parti. Aujourd’hui, nous en sommes fiers», se souvient-il.

Il y a aussi eu le Congrès de Moossou où la JFPI a fait sa part, tel que raconté par Dahi Nestor : «Koua et moi, tous les deux hors de prison, nous décidons de continuer le combat. On arrive au Congrès de Moossou, en 2018. Le Congrès décide qu’il faut que le parti crée les conditions justes pour aller à toutes les élections en Côte d’Ivoire. Nous nous attelons à cette mission, sans oublier que le premier objectif, c’est le retour du Président Laurent Gbagbo». Et de faire un bref retour en arrière pédagogique : «En 2011, on avait lancé l’opération «Eveil des consciences». Je me rappelle qu’en 2013, quand j’ai pris l’intérim, mon meeting le plus difficile, c’était à Duékoué, dans le mois d’août. C’était dans le cadre de l’opération «Eveil des consciences». J’étais la première personnalité politique du FPI à visiter les fosses communes à Duékoué. Je me suis rendu à Nahibly, Guitrozon, Duékoué Carrefour. C’est de là-bas que les premières images ont fait le tour du monde. Je suis allé saluer le préfet qui est un ancien FRCI et je lui ai signifié la raison pour laquelle j’étais à Duékoué. Je suis allé saluer les responsables du RDR à la mairie de Duékoué et ils m’ont accordé la salle de mariage de la mairie pour y tenir une réunion. Dans le discours que j’ai tenu dans la salle, j’ai demandé au Peuple Wê de s’apprêter pour le match retour qui se jouera quand notre capitaine Laurent Gbagbo sera là». Selon Dahi Nestor, il ne s’agit pas d’un appel à un quelconque soulèvement, mais une exhortation à avoir constamment à l‘esprit que le Président Laurent Gbagbo reviendra dans son pays parce qu’il est innocent de tous ces crimes dont il est accusé pour reprendre sa place.

   Grâce à une méthode de travail fondée sur la formation et la pratique militante  (et non l’embrigadement des  esprits comme on le constate dans certains partis politiques), le FPI a permis des avancées très concrètes dans la vie de tous ses militants jeunes qui font aujourd’hui la fierté du parti. Cette jeunesse montre à l’envie que  l’expérience n’est pas une question d’âge, tout comme l’engagement ne dépend pas non plus de l’année de naissance. Le parti attendait d’eux de la détermination. Ils l’ont prouvé à plusieurs reprises à travers l’organisation des marches démocratiques et des meetings. A plusieurs reprises, Sangaré Abou Drahamane a indiqué que la direction du parti tire une légitime fierté à avoir une jeunesse militante capable d’actions, en accord avec les orientations du sommet, tirées des aspirations exprimées par la base. On se rappelle cette mobilisation extraordinaire lors de la campagne contre le refus de la Constitution imposée aux Ivoiriens. Si le referendum du 30 octobre 2016 a enregistré un taux minable de participation, estimé généreusement à 10% - sinon les chiffres disponibles dans le réseau des chancelleries n’excèdent pas 8% -, c’est parce que la jeunesse du FPI a compris et joué son rôle à la perfection.

 Aujourd’hui encore, c’est la discipline au sein de la JFPI qui fait école. «La JFPI est une structure bien organisée. Par exemple, quand je vais en prison, les camarades se réorganisent rapidement et Diéty Abraham assure l’intérim. Tout de suite, l’équipe est engagée autour de lui avec la même détermination, avec la même fidélité. A la JFPI, c’est l’équipe qui fait le chef. Le chef sans l’équipe n’est rien. Pendant 30 mois, Diéty Abraham a assuré l’intérim jusqu’au 10 janvier 2018. Il a organisé des marches éclatées ; il a organisé la marche du ‘’Front du refus’’. Il a organisé beaucoup d’activités d’envergure qui ont donné satisfaction à la direction du parti. En février 2018, je suis libéré, et Diéty me remet les rênes de la structure. Tout est fait dans la discipline»,témoigne Dahi Nestor.

Comme on le voit, la JFPI est un vivier de jeunes militants qui ont privilégié l’intérêt du parti. On pourrait citer, par exemple, Koua Justin, Dahi Nestor, Youan Bi Argenor, Blaise Lasme, Diéty Abraham, Tibet Bi Aimé, Cissé Mariam Marie France, Zokou Serges Pacôme, Kambou Seby Stanislas... et toute cette jeunesse de l’ombre, ceux-là même qui constituent l’avant-garde des combats politiques. Il faut encourager cette jeunesse du FPI qui ‘’exporte’’ aussi son savoir-faire au bénéfice de la lutte démocratique. On a à l’esprit la mise en place de la Coalition de la jeunesse pour le changement (à la création de la Coalition nationale pour le changement (CNC), en 2015), pour fédérer les énergies en vue de lutter contre la gestion dictatoriale du pouvoir en place. Et, tout récemment, la formation de la plateforme des jeunes de l’Opposition, initiative sur laquelle se sont appuyés les leaders de la Gauche pour créer la plateforme des partis de l’Opposition.

Seule ombre dans ce tournant de la vie politique de la Nation : l’incarcération sans motif de Koua Justin. «Le camarade Koua Justin est effectivement détenu au Camp pénal de Bouaké. C’est une prison où les conditions de détention sont difficiles parce que le Camp pénal de Bouaké est une prison faite pour les bandits de grand chemin. J’ai déjà passé six mois dans cette prison ; donc je connais bien ce que c’est que le Camp pénal de Bouaké. Je sais aussi que le camarade Koua Justin est un camarade combattant, un guerrier plein. Je sais qu’il s’en sortira, il a le moral», encourage Dahi Nestor.

Il est à dresser des lauriers à la direction du FPI qui a su badigeonner sa jeunesse à la sauce du parti :une jeunesse qui participe à la lutte politique  de manière désintéressée ; une jeunesse qui sait s’assumer en plaçant l’action politique au-dessus des intérêts égoïstes : Koua Justin, cadre des Impôts, éternel souffre-douleur du RDR ;  une jeunesse qui comprend qu’elle est la relève de cette classe politique qui lui a fait confiance ; une jeunesse qui participe au développement socio-politique du pays. «Nous avons toujours à l’esprit que nous pouvons mourir dans ce combat que nous menons. Nous sommes allés en prison, c’était normal. Personnellement, je m’y attendais.  Depuis que j’étais à Mama, on m’avait déjà prévenu que je serais arrêté. Quand j’arrive à Abidjan, les arrestations avaient commencé, les 04 et 05 mai 2015. Hubert Oulaye a été arrêté, Koua Justin a été arrêté à Bondoukou. Je me mets en clandestinité et  je réorganise la lutte. Je lance la marche de protestation du 09 juin 2015 où je réussis à réunir tous les jeunes de l’Opposition pour exiger la libération de tous les camarades qui avaient été arrêtés à cause du congrès de Mama, la libération de tous les prisonniers politiques et  le retour du Président Laurent Gbagbo. C’est un mois plus tard, le 07 juillet 2015, que je suis arrêté et déporté à la prison de Dimbokro où j’ai passé  14 mois. De Dimbokro, on m’envoie au camp pénal de Bouaké où j’ai passé six mois, dans la torture, dans le noir. Un matin, on me soulève de la prison du camp pénale de Bouaké à la prison de Katiola où j’ai passé deux mois. Un autre matin, on nous demande de faire nos bagages pour la Maca. Ça m’a fait 30 mois de prison. Je suis sorti de prison le 10 janvier 2018. Si pour moi, la destinée a prévu que je meurs tout de suite, il n’y a pas de problème. Je suis sans peur. Voilà ce que nous avons inculqué à nos amis de la JFPI, et je crois que ça été bien assimilé», relève le n°1 de la JFPI.

Si l’homme politique s’évalue à l’aune d’une humanité qui choisit de lutter pour le bien-être dans toutes ses composantes humaines, la sphère politique s’évalue sur le seul mode de l’efficacité d’une gestion de la jeunesse qui sait assumer au quotidien sa dimension politique. Il ne s’agit pas de faire du ‘’jeunisme’’ à tout vent en politique et pas davantage de concocter une démagogie politicienne clientéliste. Il s’agit de mettre en œuvre une politique de jeunesse de parti qui ouvre un avenir probant au parti. Le FPI a réussi ce pari. Et c’est tout à son honneur.

J-S LIA

(D’après les propos recueillis par

Boga Sivori et Ayoualou Ziza)