En cette
circonstance douloureuse, qu’il me soit permis, au nom du Président Laurent
Gbagbo, président du FPI, ainsi qu’au nom de toute la Direction du parti ici
représentée par le ministre Assoa Adou, Secrétaire Général; le ministre Hubert
Oulaye, président du Comité de contrôle; le Préfet Jean-Baptiste Gnaoré,
président du Conseil politique permanent; qu’il me soit permis, dis-je, de prendre la parole non seulement pour
marquer la présence du FPI en tant que produit de l’illustre disparu, mais
aussi pour apporter le soutien dudit parti à toutes celles et à tous ceux qui
ont aimé et pratiqué, de près ou de loin, le Génie de Niablé.
Au nom du Président
Laurent Gbagbo, je souhaite dire infiniment ‘’yako’’ aux hautes autorités
politiques, administratives nationales ; aux autorités politiques,
administratives et coutumières de l’Indénié, du Djuablin, du Moronou, des
N’Zima, sans oublier les Chefs de Canton de Yakassé-Feyassé, de Niablé, d’Aniasué
et d’Amélékia ; les Chefs de Cours et de Familles ; les cadres politiques de
l’Indénié dont le président Boa Amoakon Edjampan ; très sincèrement ‘’yako’’
aux enfants, frères et sœurs, cousins et cousines ; aux neveux et nièces ; aux
beaux-parents et à tous les compagnons de lutte du Grand Planteur.
Oui, distinguées
personnalités, mais aussi citoyennes et citoyens issus de toutes les couches
sociales, ce moment d’extrême affliction tient aux circonstances mêmes de la
disparition de l’Ancien membre Fondateur de l’ANAPROCI: Edouard Sassan Kouao
décédé au Ghana, le 30 septembre 2020, après 9 ans d’exil forcé !
Oui, en avril
2011, il n’était pas parti en villégiature au Ghana, plus précisément dans le
Midwest, à Sefwi Wiawso. Il s’y était rendu à son corps défendant, lors de
l’attaque de Niablé qui s’est traduite, on le sait désormais, par la
destruction de sa résidence, après un pillage systématique de ses biens, tous
ses biens, y compris l’Esika-mlan, c’est-à-dire l’awulo’nky des SASSAN Kouao,
œuvre de mille ingéniosités en une journée effacée. Depuis cet évènement et
malgré tous les appels à lui lancés pour le décider à rentrer en Côte d’Ivoire,
Sassan Kouao a répondu invariablement ne pouvoir rentrer à Niablé qu’une fois
la Côte d’Ivoire pacifiée, c’est-à-dire réconciliée, et qu’une fois son cadet
et compagnon de lutte, Laurent Gbagbo, effectivement de retour en Côte
d’Ivoire.
Une figure de la
dimension de Sassan Kouao, on la pleure et on doit la pleurer de toutes ses
larmes, sa disparition étant une immense perte pour sa famille biologique
bien-sûr, pour sa région d’appartenance, mais aussi pour la Nation tout
entière. Sassan Kouao était un acteur multidimensionnel et trans-ethnique.
C’est pourquoi le Président Laurent Gbagbo et ses camarades pleurent à chaudes
larmes avec la famille Sassan Kouao et avec les familles alliées. Mais dans le
même temps, le Président Gbagbo considère que nous pouvons tout aussi
raisonnablement sécher nos larmes pour trois raisons en lien avec le parcours
exceptionnel de l’homme de Niablé, une véritable banque de données désormais à
la disposition de la jeunesse.
D’abord forcé à
l’exil à 76 ans, Edouard Sassan Kouao nous a quittés dans sa 85ème année dans
une Côte d’Ivoire où l’espérance de vie tourne autour de 52-54 ans. Or, en
Afrique, lorsqu’un vieillard rejoint ses Ancêtres, on lui rend un hommage digne
de son exploit existentiel, plutôt que de verser des larmes. Car ne vit pas
longtemps et en bonne santé qui veut. C’est pourquoi, d’ailleurs, au-delà de la
cérémonie traditionnelle prévue à Niablé pour demain samedi 20 février 2021, le
FPI entend organiser, dans les mois qui viennent, un hommage militant à
l’Espace Laurent Gbagbo, de Niablé.
Ensuite, mourir
n’est rien, puisque c’est la chose la mieux partagée au monde. Plus important
aux yeux des humains est le comment du mourir. En effet, mourir debout ou
couché, mourir dans la dignité ou dans le déshonneur, en refusant la soumission
ou en la revendiquant, ne sont nullement des modalités équivalentes. La vie est
traces, certes ; mais il y a traces et traces. Car celui qui meurt ou est
frappé d’ostracisme ou condamné à l’exil, pour avoir dit non à l’injustice et à
l’esclavage, a plus de mérite que son concitoyen qui disparaît, tôt ou tard,
dans les liens de l’assujettissement.
Enfin, la troisième
et dernière raison qui nous pousse à nous consoler, réside dans l’épaisseur
sociopolitique d’Edouard Sassan Kouao. De quoi s’agit-il ici ?
C’est que le défunt
fut un éminent acteur politique et économique qui se survivra dans les
consciences des générations actuelles et futures, pour ce qu’il a accompli,
lui, en sa double qualité de paysan illettré :
Un paysan dans
la mesure où il vivait de l’agriculture, dans la première Boucle du Cacao ;
Un paysan
illettré pour autant qu’il ne maîtrisait ni la lecture ni l’écriture d’une
langue qui n’est pas la sienne.
Autrement dit,
l’illettrisme de type ”scribal” ne
pouvait nullement brider ou étouffer la conscience politique ainsi que la
capacité de discernement éthique d’un authentique détenteur de la culture
africaine, en particulier l’anyitiè. Il fut tout simplement un homme de progrès
au sens anthropologique du terme, sous trois rapports : économique,
sociopolitique et prospectif.
Sur le plan
économique, Sassan Kouao s’est illustré par ses grandes qualités de manager
remportant, coup sur coup, la célèbre Coupe nationale du Progrès. Cet exploit
fit de lui le paysan illettré le plus adulé du Président Félix
Houphouët-Boigny.
Sur le plan
sociopolitique, Edouard Sassan Kouao se survira éternellement dans toutes les
consciences d’aujourd’hui et de demain, pour autant qu’il a créé et mis à la
disposition de Niablé mais aussi de la Côte d’Ivoire, un Etablissement
d’Enseignement secondaire, avec une soixantaine de logements pour les
Enseignants. Par-dessus tout, l’héritage que laisse Sassan Kouao et qui dépasse
de loin le cadre trop étroit de la Côte d’Ivoire, voire de l’Afrique, c’est
l’ouverture effective du jeu démocratique dans notre pays.
En effet, le multipartisme
décidé en avril 1990 était vite apparu comme un bébé mort-né, aucun opposant
déclaré n’étant alors en mesure de verser les 20 millions FCFA de caution
nécessaire pour participer à la présidentielle d’octobre 1990. Et contre toute
attente, cette somme faramineuse donc prohibitive fut déboursée par le
paysan-illettré de Niablé. Est-il aujourd’hui nécessaire d’affirmer que
l’impulsion donnée aux joutes politiques dans notre pays procède du courage, de
l’abnégation et de la générosité de Sassan Kouao.
Sous l’angle de la
vision prospective des choses. Il faut savoir que l’exil à lui imposé ne l’a
pas condamné au silence. Il a en effet continué à indiquer que les conditions
et moyens de la démocratie aujourd’hui et demain, vont de pair avec le retour
de son fils et compagnon Laurent Gbagbo, ainsi qu’avec la réconciliation
nationale. Voilà pourquoi le Président Laurent Gbagbo est d’avis que nous
séchions nos larmes avec la famille d’un héros dont la mort est certes un
dissolvant, mais aussi un tonifiant pour la Nation. Sassan Kouao qui n’a pas lu
et ne saurait avoir lu Socrate, Montesquieu, Rousseau, ou Tocqueville, nous
aura permis de comprendre qu’en faisant une immersion dans notre culture, nous
pouvons redresser notre destin en ce début de XXI siècle. Dans cette
perspective et en guise de reconnaissance, nous faisons de lui le plus jeune
Bagnon politique ivoirien de tous les temps, après Bernard Dadié. Car selon le
poète américain Samuel Ullman, et je cite :
«La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un
état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une
intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité (…)
On ne devient pas
vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années ;
On devient vieux parce qu’on a déserté son idéal ;
Vous êtes aussi jeune que votre foi.
Aussi vieux que votre doute.
Aussi jeune que votre confiance en vous-même ;
Aussi jeune que votre espoir.
Aussi vieux que votre abattement.
Vous resterez jeune tant que vous serez réceptif.
Réceptif à tout ce qui est beau, bon et grand.
Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de
l’infini (…) » Fin de citation.
Pour avoir illustré
de façon exemplaire cette mystique des idéaux phares de l’humanité, Papa Sassan
Kouao, ton modèle mérite d’être magnifié aujourd’hui, demain et après-demain.
Adieu Maître, grand
cofondateur de la démocratie ivoirienne !
IVOSEP-Treichville, le 19 février 2021
Pour le Secrétariat Exécutif du FPI
Pr. Dedy Séri
Vice-président FPI