Cette circonscription électorale est réputée être un des fiefs
naturels du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo. Ce parti y gagne, depuis 1990, tous les scrutins
législatifs qu’il ne boycotte pas. Maurice Kacou Guikahué en est conscient et
le confesse quasiment dans des propos rapportés, récemment, par les médias :
«Je suis actuellement dans le cas où l’alliance n’a pas marché avec le FPI qui a
un candidat à Gagnoa. Je n’étais pas là, mais ce que j’ai compris et ce qui se
passe, c’est que quand il y a des alliances comme cela, on protège les
leaders», déclare-t-il, visiblement la mort dans l’âme. Avant de poursuivre :
«Vous remarquerez qu’à Bongouanou, le PDCI-RDA n’a pas posé de candidature
contre le président Affi N’Guessan. A Botro où il y a le ministre Gnamien
Konan, le PDCI-RDA l’a choisi. À Guiglo Sous-préfecture, où il y avait un
député PDCI, Disonio Léonard, on lui a dit de se retirer pour que Hubert Oulaye
soit élu. C’est à Gagnoa seulement où il y a le Secrétaire Exécutif en chef que
le FPI n’a pas accepté de se retirer. C’est dommage ! Mais nous sommes candidat
et nous allons battre campagne et la population va juger si nous avons bien
travaillé ou pas».
Un échec, deux versions (presque) mensongères
A qui la faute si «l’alliance FPI/PDCI n’a pas marché» à Gagnoa ? Guikahué n’en dit pas mot. Il préfère laisser un autre dirigeant du PDCI voler à son secours : Dans une interview accordée à Le Nouveau Réveil, organe officiel du PDCI-RDA fondé par Denis Kah Zion, le Pr. Niamkey Koffi, Coordonnateur général du Comité de Suivi et de Gestion des Elections législatives au PDCI, bien informé pour avoir géré l’intérim de Guikahué pendant sa détention et ses soins en France, a chargé à son tour : «Sur 142 sièges, nous sommes tombés d’accord sur 94 sièges. Ce qui représente près de 80% de réussite au niveau de la coalition de l’Opposition. A ce niveau, comme premier essai, nous pensons que cet essai a été transformé avec succès et que nous pouvons nous en réjouir en espérant pouvoir faire mieux pour les prochaines échéances si la coalition se maintient et si nous faisons tout pour la maintenir». Après s’être ainsi réjoui, l’homme fait un curieux pari : «Les deux grands ténors de la coalition sont le PDCI et EDS. Les réglages ont été possibles au niveau de Gagnoa. Dans cette circonscription, les autorités d’EDS, avec le Président Gbagbo en tête, vont choisir de laisser le Secrétaire Exécutif en chef du PDCI-RDA (Guikahué), député sortant de la circonscription de Gagnoa Sous-préfecture, être l’unique candidat de la coalition de l’Opposition. Et Mme Odette Lorougnon est appelée à retirer sa candidature. Cela est possible. Il s’agit pour elle d’écrire à la CEI pour dire que je me retire. Sur Gagnoa, cela est possible». Enfin, pour se convaincre lui-même que son pari est possible, Niamkey justifie : «Nous avons aussi le cas d’Arrah, il y a un candidat EDS et la coalition a décidé de laisser le candidat PDCI aller seul en compétition. Et le candidat de EDS devra se retirer en suivant les procédures requises, c’est-à-dire en adressant un courrier, à la CEI».
Constat de taille
: Niamkey Koffi évite de dire ce que le PDCI cède au FPI pour que Laurent
Gbagbo libère les deux postes de Gagnoa et d’Arrah à Konan Bédié. Il ne dit pas
non plus ce qui s’est passé dans les discussions pour que MarieOdette Lorougnon
soit toujours candidate face à Guikahué à Gagnoa. Bref, comme Guikahué, Niamkey
Koffi reste bouche bée sur ce qui a fait échouer les discussions à Gagnoa
Sous-préfecture.
Marie Odette Lorougnon droit dans ses bottes pour FPI/Gbagbo !
Piquée au vif par les propos de Niamkey, Marie Odette Lorougnon, déjà en tournée de pré-campagne, a réagi dans des propos de recadrage disponibles sur les réseaux sociaux : «Niamkey Koffi n’est pas le Président Laurent Gbagbo. Il n’est pas non plus le président Georges Armand Ouégnin (EDS), encore moins le Secrétaire Général Assoa Adou pour me demander à moi de retirer ma candidature». Puis la dame de fer de l’Organisation des Femmes du FPI (OFFPI) réenclenche avec son angle de défense dont on peut lui discuter la pertinence, sans pouvoir remettre en cause sa véracité : «S’ils (les responsables du PDCI, ndlr) ont décidé de sacrifier Guikahué par leur refus de collaborer avec le FPI dans le ‘’V’’ Baoulé, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Je demeure bel et bien candidate de EDS dans la sous-préfecture de Gagnoa. N’en déplaise à Niamkey Koffi !». Mais qu’il s’est donc passé de si inexplicable à Gagnoa sous-préfecture entre le FPI et le PDCI ?
Au cours d’un
Secrétariat Exécutif élargi à tous les candidats FPI/Gbagbo parrainés par EDS,
la question a été posée, à brûle pour point, à Assoa Adou, et à Sébastien Dano
Djédjé, les premiers négociateurs en chef du FPI/Gbagbo. Sans faux-fuyant, le
Secrétaire Général et le Vice-président chargé de la Réconciliation au FPI ont
exposé au grand jour la claire et limpide vérité de ces négociations bousillées
à Gagnoa par la boulimie du PDCI-RDA. Passons sur les graves cas de traitrise,
comme à Buyo où le PDCI a bousillé le candidat FPI en présentant deux candidats
en catimini alors que le candidat FPI, Niapo Charles, attendait avec son
dossier pour une doublette EDS/PDCI. Et
résumons.
Primo, dans tout ce
qui est déclaré comme «alliances» entre les plateformes et partis de
l’Opposition coalisée contre le 3ème mandat inconstitutionnel d’Alassane
Ouattara, seuls le FPI et le PDCI «les deux grands ténors de la coalition»,
comme le reconnait Niamkey Koffi, ont effectivement paraphé un document portant
«collaboration». Dans ce cadre, les deux partis ont convenu de privilégier la
formation de listes communes pour étouffer, là où c’est possible, le RHDP (au
pouvoir). Sur cette base, chaque grand parti s’est vu céder des fiefs et postes
qu’il devait partager, avec ses alliés dans sa plateforme (EDS pour FPI, CDRP
pour PDCI).
Le PDCI cache des vérités à Maurice Kacou Guikahué
Secundo, c’est dans le ‘’partage’’ avec ses autres alliés dans la plateforme CDRP que le PDCI a cédé des postes à Gnamien Konan (Botro, ‘’V’’ Baoulé) et à Affi N’Guessan (Bongouanou). Le FPI n’a rien à y voir. La preuve, EDS, par son candidat Koua Charles, affrontera Affi N’Guessan, allié du PDCI, à Bongouanou, puisqu’il n’existe aucun accord entre EDS et Affi. Niamkey Koffi dit de cuisantes contrevérités en prétendant autre chose.
Tertio, toujours
dans ce partage des postes, le PDCI-RDA a refusé toute passe à EDS dans ses
fiefs du ‘’V’’ Baoulé, même quand les circonscriptions comptent plus de deux
postes en jeu. Pis, Niamkey et le PDCI-RDA ont poussé leur boulimie jusqu’à
refuser à EDS le droit de réclamer un seul «V Bété» comme son fief. C’est ce
mépris que Marie Odette Lorougnon dénonce dans le style qu’on lui connait et
que beaucoup de critiques refusent d’écouter. «De quel droit le PDCI peut-il se
réserver des fiefs appelés ‘’V’’ Baoulé et refuser au FPI se réclamer des fiefs
‘’V’’ Bété ?», s’interrogent les militants FPI/Gbagbo avec l’humour qu’on leur
connait.
Quarto, le cas
spécifique de Guikahué à Gagnoa : Le PDCI-RDA, son parti, ayant refusé de céder
des postes dans ses fiefs, EDS s’est braqué sur ses fiefs comme celui de Gagnoa
sous-préfecture et celui de ‘’Yopougon de Gbagbo’’. Dans le second bastion
d’Abidjan, EDS exigeait les six postes ;
mais il a fini par en céder deux au PDCI, à la demande de Gbagbo. Le 22
janvier 2021, date buttoir, les candidatures ont été déposées à la CEI avec
deux postes cédés à Yopougon par le FPI au PDCI contre zéro poste cédé par le
PDCI dans ses fiefs du ‘’V’’ Baoulé. A Gagnoa, dans son fief, EDS a donc
parrainé la candidature de Marie Odette Lorougnon face à Guikahué, par la faute
du PDCI. Selon les précisions d’Assoa Adou, la collaboration entre les deux
partis étaient sur le point de voler en éclats quand les Présidents Bédié et
Gbagbo ont pris les choses en main.
Au bout de longs
échanges téléphoniques, le Président Gbagbo a convaincu le Président Bédié
d’amener son parti à céder un poste à Yopougon contre le retrait de Marie
Odette Lorougnon de Gagnoa sous-préfecture au profit de Guikahué. L’effort du
Président Gbagbo a été salué par le Président Bédié qui a fini par recevoir, à
sa résidence, Assoa Adou et Dano Djédjé, assisté de Niamkey Koffi, pour
finaliser l’accord entre les deux grands leaders : Niamkey Koffi doit appeler
un des deux candidats PDCI de Yopougon pour lui demander de rédiger sa lettre
de retrait ; Assoa Adou promet d’en faire autant pour le retrait de Marie
Odette Lorougnon de Gagnoa. La victoire de l’entente est célébrée par Niamkey
Koffi : «Ecoute Assoa, je propose que nous déposions concomitamment les deux
courriers de retrait dès que signés par chaque candidat !».
Guikahué venait
d’être sauvé par Gbagbo à Gagnoa ! Mais ce n’est pas tout, pour le PDCI. Car,
dans la même dynamique d’entente, le Président Bédié a plaidé et obtenu un
bonus du Président Gbagbo : EDS doit céder aussi le poste d’Arrah au PDCI. Sur
instruction de Gbagbo, Assoa Adou demande au candidat EDS, Dongo Assonvo, de se
désister au profit du candidat PDCI-RDA à Arrah. Sur Arrah, Niamkey Koffi dit
aussi des contrevérités en présentant une autre version. La vérité est que
c’est le Président Gbagbo qui cède tout dans les fiefs du PDCI dans le ‘’V’’
Baoulé, et qui devait céder deux postes dans ses propres fiefs du FPI, sans
contrepartie.
«Le Président
Gbagbo travaille à sauver la collaboration signée alors que le PDCI-RDA ne
donne rien», a déploré Assoa Adou devant des cadres et candidats médusés au
Secrétariat Exécutif élargi. Seule tranquillité : le poste de député de Gagnoa
sous-préfecture, quoiqu’il arrive, n’échappera pas à l’Opposition. Marie Odette
part en ‘’locale’’, Guikahué en premier challenger.
César Etou