Pr. Joachim Agroffi: C’est la science qui étudie l’homme
dans sa totalité, dans tous ses aspects psychologique, social, médical,
biologique et autres. C’est-à-dire que, quand nous allons dans un village, on
va étudier l’homme dans son rapport avec la nature, la chasse, la pêche,
l’agriculture, les médicaments, l’enterrement, etc.
L.V.O. : Le domaine d’action de l’Anthropologie est donc très vaste !
Pr. JA : Effectivement. Quand on parle de l’homme, on le
fait en tenant compte de plusieurs regards.
L.V.O. : Mais l’on a toujours dit que l’homme a trois dimensions : corps, âme et esprit...
Pr. J.A : Oui, nous étudions ces trois dimensions de
l’homme. Il y a l’anthropologie religieuse, l’anthropologie psychologique et
l’anthropologie sociale. Ce qui fait que quand vous allez chez un anthropologue,
généralement, ce que vous allez voir, c’est une grande bibliothèque. C’est le
cas chez feux les professeurs Mémel Fôté et Niangoran Boua. En Europe c’est
pareil. Dans la bibliothèque d’un anthropologue, on trouve des ouvrages de
journalisme, de médecine, de chimie, de physique, etc. Nous ne sommes pas des
spécialistes de toutes ces sciences, mais nous avons un regard d’ensemble. Ce
qui fait que quand on parle d’une science, le spécialiste nous respecte. Il
sait qu’on n’a pas une connaissance approfondie d’un domaine, mais de chaque
domaine, on a une connaissance respectable.
L.V.O. : «Aliments et boissons aux frontières des croyances et de la science». Que renferme ce thème de la conférence inaugurale que vous avez présenté, début novembre 2019, au Plateau, lors de la rentrée de l’Académie des Sciences, des Arts, des Cultures d’Afrique et des Diasporas africaines (ASCAD) ?
Pr. JA : Je ne suis ni chimiste ni médecin, mais j’ai fait
des expérimentations et j’ai trouvé quelque chose d’impressionnant ! Je suis
allé à Kiev, en Ukraine, pour participer à une conférence. Mes recherches ont
été approuvées. Quand je suis rentré au pays et que l’ASCAD a vu les résultats
de mes recherches, l’Académie a dit : «Comme tu n’es pas du domaine médical,
chimique ou biologique, on va parler plutôt de croyance. Parce que si tu dis
que tu sais, les gens vont penser que tu veux rivaliser avec eux». Nous avons
donc adopté le vocable croyance pour se rapprocher un peu plus de
l’Anthropologie, mon domaine.
L.V.O. : Que dit votre trouvaille de l’expérience que vous avez menée vous-même ?
Pr. JA : Mon expérience dit : Si vous êtes observateur, vous
allez voir que quand on fait la cuisine pour une dizaine de personnes, les
restes des plats de ces dix personnes ne se décomposent pas de la même manière.
Je m’assois dans les maquis et restaurants pour écouter les gens parler de
leurs problèmes en mangeant. Certains pleurent, d’autres tapent du poing sur la
table. Quand ils finissent de manger, je demande leurs restes, prétextant les
donner à mon chien. Les restes de chaque client sont récupérés dans des boîtes
différentes. Des échantillons sont prélevés dans chaque boîte et envoyés dans
des laboratoires en Europe pour observations et analyses. Moi-même, j’observe
comment ces restes se décomposent. Les résultats que j’ai observés sont les
mêmes que ceux observés dans les laboratoires en Europe. Le constat est que les
restes ne se décomposent pas de la même manière.
L.V.O. : Donc, dix personnes peuvent manger un même plat, mais la décomposition des restes sera différente et fonction des problèmes de chacune!
Pr. JA : Oui, c’est exactement ce qui se passe. Si vous avez
des problèmes et que vous mangez un plat, vos pensées négatives vont influencer
la nourriture. Vos restes de nourriture vont se décomposer plus vite que les
restes de nourriture d’une personne qui mange toute joyeuse. Nos pensées
influencent la décomposition de nos restes de nourriture.
L.V.O. : Qu’est-ce qui explique cette décomposition accélérée des restes de nourriture de celui qui a des pensées négatives ?
Pr. JA : L’eau que nous buvons a une mémoire et la
nourriture que nous mangeons est faite d’eau. Tout ce que vous dites, l’eau
mémorise. Ce que vous dites en mangeant, l’eau contenue dans la nourriture
mémorise. C’est cette eau qui va influencer la décomposition des restes de
votre nourriture. Quand vous arrivez dans nos villages, on vous donne de l’eau
à boire pour que cette eau influence les pensées que vous avez envoyées. C’est
pourquoi on donne toujours de l’eau à boire à l’étranger.
L.V.O. : On a toujours pensé que c’est par courtoisie !
Pr. JA : Non, ce n’est pas par courtoisie. C’est un
mécanisme de protection. L’eau qu’on donne est chargée de pensées positives qui
neutralisent toutes pensées négatives.
L.V.O. : Est-ce seulement l’eau qui peut être influencée par nos pensées ? Notre environnement n’est-il pas influencé aussi par nos pensées ?
Pr. JA : Si, si ! Nos pensées et tout ce que nous disons
émettent une force, des vibrations. La parole émet des ondes. Dans nos champs,
quand on crie, il y a de l’écho. Ce sont les ondes. Une parole prononcée ou une
pensée émise a une influence sur tout ce que nous mangeons et sur notre
environnement. Vous-même, à la maison, faites faire du foutou par trois femmes
et gardez un peu de chaque pain de foutou pour voir. Il y a un plat qui va se
décomposer plus vite que les autres.
L.V.O. : Et que penser de la femme dont la nourriture s’est vite décomposée ?
Pr. JA : Au moment où elle pilait le foutou, elle n’avait pas
des pensées positives. Ce que je conseille aux gens, c’est d’avoir une maîtrise
de soi, des pensées positives. Il faut se mettre au-dessus des problèmes,
oublier et aller de l’avant. Car, quand vous ruminez de la rancune, vous vous
détruisez vous-même, et plus vite.