De sa voix inaudible, elle avait annoncé son intention de
traverser la forêt, comme les autres. Elle a également signifié sa
détermination à être claire et limpide
afin d’abreuver les habitants de la forêt, à la différence des autres.
Elle s’était promis de couler, d’exister comme les autres ; mais, non de faire
comme les autres. C’est assurément cette promesse qui a fait rentrer les
habitants de la forêt dans l’espérance. Pour
accueillir avec espoir le passage
de la rivière bleue dans la forêt commune.
Elle a tenu promesse et s’est révélée au monde comme un
courant d’eau capable de défi. Ainsi, a-t-elle
réussi à tracer son lit, au prix de mille efforts. Conformément aux
droits dont elle dispose, elle s’est mise à couler, différemment. La rivière
bleue a même réussi à inonder la forêt de ses courants généreux. Au-delà, elle
a surtout arrosé le cœur des habitants de la forêt commune de la promesse de
ses affluents productifs.
Dans la forêt commune ont alors poussé des arbres fruitiers.
Pas de «fruit défendu». Partout se consommaient les fruits symboles de la
liberté de dire, de faire, de choisir, de penser, de réunir, d’exister,
contrairement à ‘’la rivière verte’’ qui a eu le droit d’exister seul et le premier.
Le maître, gardien de la rivière bleue lui, assurait. Il
incarnait, au propre comme au figuré, les promesses faites de penser aux
autres, aux habitants, de ne pas se servir forcément en premier. Il était le
garant de l’intérêt de tous. Et la rivière bleue, à défaut d’être transformée,
avait fait la promesse de ressembler à son maître.
Maudit soit le jour où le déluge a traversé la forêt ! Et a
fait déborder la rivière bleue de son lit. Le maître, gardien de la rivière,
contre la volonté des habitants. A suivi une terrible période de répression,
puis confusion. A cause du déluge, la rivière bleue a perdu son identité,
plusieurs affluents ont quitté le lit principal. Et la rivière bleue est
devenue ‘’insolente’’ à cause de ses bras indélicats, incapables de pertinence,
en l’absence du maître, gardien de la rivière.
Désormais, elle court dans tous les sens, la rivière bleue.
Parce qu’elle «unit dans son lit» trop d’affluents qui ne ressemblent pas au
maître et de bras à la fois incapables et désorientés. La rivière bleue court
désormais dans tous les sens et chante désormais comme une casserole, elle
jadis, dont les notes étaient claires et limpides.
Ceux que le maître a laissés n’assurent plus. Avec eux, la
rivière bleue a mal à la tête et à ses membres. La rivière bleue discréditée
chaque jour davantage fait jaser, chanter. Insolente et anarchiste, elle fait
chanter non plus les chansons de la promesse, mais des chants à la gloire de
leurs seuls intérêts. Peu importe que l’ensemble de la rivière bleue perde.
A cause de ceux qui sont restés dans son lit et qui la
gardent, la rivière bleue produit à la fois souffrance et désespérance. Elle
qui coulait jadis tranquille paisible et ouverte dans son lit, elle court
désormais indisciplinée avec les «oreilles trop dures». Même les consignes
venant de l’autre rive ne lui parviennent pas. Chaque affluent fait à sa tête.
Heureusement que le maître, gardien de la rivière bleue
arrive. Heureusement que les fondations de la rivière bleue sont solides.
Heureusement que le déluge les a révélés.
Heureusement que les jours de ceux qui font les mauvais
jours de la rivière bleue sont comptés.
Ayoualou ZIZA