Près de 10 ans après l'ouverture du dossier, la chambre d'appel de la Cour Pénale Internationale a définitivement clos l'affaire concernant l’ex-chef d'Etat Laurent Gbagbo, et Charles Blé Goudé. Cette fois, ce dossier devant la CPI est définitivement refermé. Depuis, leur retour est de nouveau au cœur de l'actualité politique ivoirienne surtout que l'ancien président ivoirien, qui a reçu ses deux passeports en décembre 2020, n'a pas hésité à dévoiler son urgente envie de regagner la Côte d'Ivoire. Son avocate, Maître Habiba Touré est revenue sur cette affaire dans un bref échange accordé à la radio française RFI ce jeudi 1er avril.
RFI : Comment Laurent Gbagbo a-t-il réagi à cette décision de justice ?
Me Habiba Touré : Avec satisfaction. Il est évidemment content, c’est une décision que nous attendions depuis un bon moment maintenant à l’issue des audiences. Donc, il était impatient, et puis, content du résultat.
RFI : Comment comptez-vous organiser son retour en Côte d’Ivoire ?
MHT : La question de son retour, c’était une question sur laquelle nous travaillions déjà à l’issue de la levée des conditions qui lui permettaient de circuler librement et de rentrer chez lui. Mais, nous avons eu un certain nombre de difficultés, ne serait-ce qu’à voir établir son passeport, et ensuite, nous avons été confrontés à des difficultés liées à son statut d’ancien Président de la République puisqu’il y avait des questions, notamment liées à sa sécurité, qui devaient être assurées et pour lesquelles les autorités ivoiriennes gardent le silence. C’étaient plutôt des questions pratiques. Maintenant, nous espérons que les derniers obstacles n’ont plus lieu d’être dès lors que la Cour a rendu une décision qui est désormais définitive et qui a confirmé l’acquittement du président Laurent Gbagbo. Et dès lors, il ne devrait plus y avoir de prétexte à un retour en toute sécurité du président Laurent Gbagbo.
RFI : Depuis le 4 décembre 2020, Laurent Gbagbo a deux passeports valides entre les mains. Qu’est-ce qui aujourd’hui fait blocage ?
MHT : Dès lors qu’on lui a remis ses passeports, il n’y avait plus d’obstacles administratifs, mais il demeure des obstacles politiques. Ce qui nous a amenés à reporter son retour a été l’audience qui avait été fixée au 31 mars. Maintenant à l’issue de cette audience, et l’acquittement ayant été confirmé, nous estimons qu’il n‘y aura plus de prétexte politique à son retour, puisque de toute manière, ça aurait été, je vous le rappelle, anticonstitutionnel d’empêcher un ressortissant ivoirien de rentrer chez lui. Nous estimons dorénavant qu’il n’y a plus aucun prétexte qui pourrait faire obstacle à son retour en Côte d’Ivoire.
RFI : Est-ce que Laurent Gbagbo a une échéance, une date en tête pour son retour en Côte d’Ivoire ?
MHT : Cela se fera au plus vite. Mais en toute franchise, nous n’avons pas encore de date à vous communiquer. Nous le ferons au moment opportun. Cela sera évidemment, et vous vous en doutez, le plus rapidement possible.
RFI : En Côte d’Ivoire, l’ancien président Laurent Gbagbo fait toujours l’objet d’une condamnation à 20 ans de prison par la justice ivoirienne dans l’affaire du braquage de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Est-ce que cette condamnation, côté justice ivoirienne, n’est pas un frein concret à son projet de retour en Côte d’Ivoire ?
MHT : Elle n’a jamais été un frein puisque nous considérons de toute manière que cette condamnation est surtout politique. Et elle a surtout été mise en œuvre pour justement faire obstacle à son retour. Donc, je dirais, ce sont des manœuvres strictement politiques et certainement pas, un enjeu judiciaire pour le président. En tout état de cause, le président n’a jamais fui aucune justice.
RFI : Donc, Laurent Gbagbo ne craint pas d’être arrêté à son arrivée à Abidjan ?
MHT : Nous estimons que cette condamnation est politique. Je vous rappelle qu’il n’a reçu aucune convocation, aucune notification dans le cadre de la procédure dont vous faites cas. Il faudrait d’abord s’étonner de l’attitude des autorités ivoiriennes qui ont mené cette procédure en catimini sans jamais convoquer le Président Laurent Gbagbo, sans jamais lui notifier une quelconque décision judiciaire. Maintenant, ce que l’on dit, c’est qu’on ne pourra pas effrayer le président Laurent Gbagbo avec ce type de manipulation juridico-politique pour l’empêcher de rentrer chez lui.C’est quelqu’un qui n’a jamais fui devant une justice. Donc, ce n’est pas quelqu’un qui va fuir, c’est quelqu’un qui assume ses responsabilités. Voilà, maintenant, il rentrera chez lui et franchement, qu’on arrête ces manipulations et ces chantages qui ne visent qu’à tenter de l’effrayer, je dirais, pour empêcher ou en tout cas, pour essayer d’aboutir à des négociations politiques en vue de son retour en Côte d’Ivoire. Un retour chez soi ne se négocie pas.
RFI : Il le répète à chacune de ses interventions, Laurent Gbagbo souhaite rentrer en Côte d’Ivoire pour mener une négociation nationale. Mais concrètement, quels sont les actes forts qu’il compte poser à son retour ?
MHT : Ça, vous le verrez une fois qu’il sera retourné, si on lui permet de rentrer (rires).
RFI : Il y a quelques mois, Laurent Gbagbo appelait à une décrispation du climat politique. Est-ce qu’il compte discuter ou négocier la remise en liberté des militants de l’opposition qui ont été interpellés avant la présidentielle ?
MHT : Je pense que d’un point de vue politique, la libération de tous les prisonniers politiques est nécessairement quelque chose qui ne peut pas être mis de côté, mais il n’y pas que ça. La réconciliation ne doit pas être un vain mot, juste un élément de langage.
RFI :Est-ce que le retour notamment des exilés de la crise de 2010-2011 est toujours une priorité pour lui ?
MHT : Bien sûr. Ce n’est pas une vie que de vivre en exil. Le retour des exilés constitue une des priorités du président Laurent Gbagbo.
Source : RFI