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Reconnais-tu mon beau pays ?

  • Kifuima TOURE
  • 27-01-2021 à 15:21
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Reconnais-tu mon beau pays, il s’appelle «Eburnie». Mais il a reçu un autre baptême, à cause de l’outrecuidance de ceux qui se partagent le monde. Dans sa nouvelle appellation,  il est perçu comme  un objet à exploiter, une «Côte d’Ivoire». Avec  une telle destinée, la Côte des ivoires a naturellement subi, prise d’assaut par des voisins et quelquefois des aventuriers de tout acabit, des gens qui l’aiment et d’autres qui la convoitent.

Mais, en dépit de la prémonition résultant de sa dénomination, le pays et son peuple se sont tracés un destin certifié aux normes d’une nation où il fait bon vivre. Généreux et cultivé, le peuple a fait de la place pour recevoir ceux qui le désirent. La Côte d’Ivoire a ainsi assis la réputation d’un un pays attrayant, fréquentable, dont les habitants aimaient l’autre, au point de proclamer leur nation «Pays de l’hospitalité !».

Dans ce choix, la Côte d’Ivoire a construit plusieurs points focaux comme des pôles d’excellence attestant de son rêve d’être un pays de générosité, où il fait bon vivre, chaque région jouissant d’une ambiance selon ses caractéristiques. Au Sud, Abidjan, la perle des Lagunes, faisait l’attraction avec ses maquis-restaurants et ses mets au choix ; au Centre-ouest Gagnoa ou Goh Zoh s’offrait comme la capitale du bonheur et de la joie avec sa population et ses ambiances et ses spécialités culinaires qui donnent envie ; en allant vers le centre, Yamoussoukro, la Brasillia  africaine, étale ses disponibilités luxueuses ; quand Bouaké ouvrait  grandes ses piscines et ses rues bien éclairées. Pour ne citer que ses coins qui célébraient l’amour et la vie à travers leur culture et installation.

Depuis 1990 et peu après, reconnais-tu Abidjan ? La lagune a tari, sa verdure s’est éclipsée. Tout comme la forêt du Banco est recouverte de la poussière des cimenteries des nouveaux propriétaires. Observes-tu bien Gagnoa ? Sur la cité de la joie  plane désormais l’ombre épaisse et noire de la mort. Et Bouaké donc ? Ses piscines ont la couleur du sang de ses enfants, sa terre s’est offerte contre sa volonté, pour servir de fosses communes et a englouti ses enfants.

Reconnais-tu mon beau pays ? Le chant des films d’horreur se fait plus entendre que l’Alloukou, l’Agbodan, le Ziglibiti. De nul lieu, on entend Okoi Seka Athanase, Amédée Pierre, Lougah François, Aicha Koné, Allah Thérèse.

Reconnais-tu mon beau pays ? Moi je le vois plutôt courbé, la tête entre les mains. Il a perdu son lustre d’antan.  Je dis que mon pays est malade. Eburnie est malade de son système éducatif qui  déforme des générations d’Ivoiriens et altère leur instruction, leur éducation ; de son système sanitaire inaccessible qui génère des sous et fait des morts ; de son économie qui n’en finit pas de l’endetter avec un volume record de 15 000 milliards FCFA en moins de 20 ans ; de ses dirigeants qui privent de vivres, tuent, emprisonnent, contraignent à l’exil.

Reconnais-tu mon beau pays ? J’entends son peuple qui gémit, se tord de douleur.  Entre ceux qui saignent et étouffent les sanglots, le peuple naguère insouciant, fier et gai est désormais fugitif, dérobé effrayé. Il a peur de la haine de ses dirigeants qui a eu raison de la cohésion sociale ; de la croissance de son économie, mais exacerbe et pérennise une pauvreté asphyxiante ; de ces dirigeants qui opposent les Ivoiriens avec des préférences. Le peuple a peur de ses Ivoiriens capables de décapiter un Ivoirien, et jouer au ballon avec sa tête.

Ayoualou Ziza