Voici les derniers jours d'Hamed Bakayoko, par Ben Yahmed Marwane
Le directeur de la publication (DP) du journal panafricain Jeune Afrique, Ben Yahmed Marwane, dans un article exclusif paru ce jeudi 11 mars 2021, a raconté les derniers jours du Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko, décédé le mercredi 10 mars, en Allemagne des suites d'un "cancer fulgurant".
Hamed, touché par le Covid-19 à deux reprises ainsi que par une crise de paludisme, n’était donc pas au mieux de sa forme. Mais d’excellente humeur, heureux d’être enfin au calme parmi les siens, avec son épouse Yolande, ses quatre enfants et une ribambelle de cousins. «Petit comité propice au farniente, aux échanges, la musique – sa grande passion – toujours en fond sonore. Il plongeait dans l’océan chaque matin, se délectait de poissons grillés qu’il dévorait à sa manière, engloutissant de larges portions avant d’en recracher les plus grosses arrêtes. S’amusait de quelques boutades lancées à ses enfants ou à celle qu’il appelait son « âme sœur », Yolande, rencontrée vingt-sept ans plus tôt à l’aéroport de Roissy». Ce seront ses derniers moments de bonheur, de plaisir et de répit, raconte-t-il.
Selon Ben Yahmed Marwane, tout s'est précipité dans le courant du mois de janvier 2021 où le Golden Boy, de passage chez lui à Neuilly sur Seine, avant le marathon électoral, en profite pour passer des examens à l’Hôpital américain car, dit-il, il peine à comprendre pourquoi les coups de fatigue qui s’abattent sur lui ne passent pas. Pis, ils se multiplient. Retour à Abidjan, le devoir l’appelle. Puis, de nouveau Paris, à la fin janvier pour d’énièmes rendez-vous médicaux. Il souffre d’anémie, se nourrit peu, lui d’ordinaire si bon vivant. Et toujours ces satanés « coups de barre », confie le Ben Yahmed. Après une visite lui avoir a rendu visite le 29 janvier dernier, le DP de JA fait la remarque de la perte de poids du Premier ministre ivoirien, « il a les traits tirés et est très amaigri. Six ou sept kilos, sans doute, envolés depuis Assinie. Jamais je n’avais vu ce colosse toujours en action si fragile » a-t-il confié. Puis, il ajoute: « Je n’ai plus de jus, me dit-il. Je n’arrive plus à me concentrer, je n’ai jamais été comme cela. (...) Ce qui est étrange, c’est que Nestor est tombé malade au même moment que moi, on a pensé à une crise de palu. Il a perdu plus de dix kilos », précise-t-il. Les deux consomment les mêmes aliments ».
Ce jeudi 18 février 2021, son état va s'empirer. Hamback quitte donc Abidjan pour la France à bord Grumman 5 de la flotte présidentielle.
« Le 19 février, Jeune Afrique met en ligne à midi un article sur les raisons de son départ en France. Hamed n’apprécie guère autant de précision et m’appelle pour se plaindre, deux heures à peine après sa publication. Quand je décroche, je ne reconnais pas sa voix, éraillée et faible, comme s’il avait pris vingt ans d’un seul coup. « Pourquoi tu fais ça ? me dit-il. Les gens n’ont pas besoin de savoir tout cela. Protège-moi. » Je lui réponds, mal à l’aise, qu’il est Premier ministre, que tout le monde s’interroge sur son absence, que J.A. fait son travail et que, par ailleurs, les rumeurs les plus folles circulent à son sujet», raconte le confrère de JA.
Deux jours après ses échanges, Ben Yahmed et Hamed Bakayoko vont avoir une conversation téléphonique. Selon lui, Hamed Bakayoko semblait aller mieux et sa voix était meilleure, mais continuais de s'inquiéter pour "son frère". Sa réponse me laisse pantois : « Tout ce que je te demande, me dit-il, c’est que tes pensées m’accompagnent. Sois à mes côtés par l’esprit, pense à moi, je m’occupe du reste. J’ai besoin de couper, de ne plus répondre au téléphone, de me concentrer sur ma santé. Je sais que tu es là, c’est l’essentiel » confie-t-il.
Puis, il continue, « Hambak est hospitalisé à l’Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Cancer du foie métastasé, en phase terminale. Seule option, une transplantation en urgence. Le meilleur établissement pour cela est l’hôpital du Kremlin - Bicêtre. Mais il est trop tard, jugent les experts à son chevet. Il n’est plus opérable. Yolande, son épouse décide, seule, qu’il sera opéré ailleurs. Apparaît alors l’option turque. Un avion est dépêché à Paris dans la soirée sur instruction du Président Recep Tayyip Erdoğan. Il doit récupérer Hamed Bakayoko et les quelques personnes qui l’accompagnent pour qu’il soit opéré en Turquie. L’espoir renaît, mais c’est désormais une question d’heures, le pronostic vital est engagé : au-delà de vingt-quatre, voire de quarante-huit heures, si la transplantation n’est pas effectuée, ce sera la fin »
Jusqu'au 5 mars, le Golden Boy n'est toujours pas transféré. Les médecins stambouliotes confirment le diagnostic de leurs confrères français, à savoir qu'il n'est plus opérable. Malgré tout, il est finalement transféré en Allemagne dans la matinée du 6 mars. Selon Ben Yahmed, «Il aura lutté jusqu’à son dernier souffle, mais le combat était perdu d’avance. Un cancer du foie diagnostiqué tardivement ne pardonne jamais ».
Petit Bayard