Au nom du FPI, le ministre Léon Monnet a rendu un vibrant hommage à Sansan Kouao.

Le ministre Léon Monnet depuis Niablé : «Sassan, tu es un héros pour nous militants GOR !»

  • Kifuima TOURE
  • 22-02-2021 à 11:40
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Honorables personnalités,

   Le Tam-tam parleur royal nous a salués en nos rangs, grades et qualités, tous protocoles respectés.

   Au nom du Président Laurent Gbagbo et du ministre Dano Djédjé, chef de délégation, permettez-moi de présenter mes respects aux Hautes Autorités de l’Etat à travers le ministre Adom, aux Autorités religieuses et à la Notabilité à travers le Chef de Canton de Niablé. Je remercie particulièrement nos chefs coutumiers pour leur mobilisation qui témoigne de l’estime qu’ils portent à Sassan Kouao.

   Je me tourne à présent vers le ministre Assoa Adou, cousin du défunt, pour lui dire Yako, ainsi qu’à tous les proches de Sassan Kouao.

  Sassan Kouao Edouard,

   Je m’adresse à toi. La terre de Côte d’Ivoire, et en particulier celle de Niablé, va te recevoir pour y reposer. Cette terre que tu as creusée, fouillée, bêchée, à l’image du riche laboureur de la fable. Mais, frères et sœurs, la fortune, la notoriété, de même que la mort en exil de Sassan ne sont pas des fables. Nous en constatons la réalité à ces grandioses funérailles.

   Sassan Kouao était grand planteur connu et reconnu. Il s’est éteint en exil au mois de Septembre 2020 après avoir vécu quasiment dix années durant, réfugié au Ghana voisin. Pourtant les terres de Niablé en Côte d’Ivoire, village natal de Sassan, se prolongent au Ghana où l’illustre défunt compte de la famille. Sassan a donc rendu l’âme juste à côté mais de l’autre côté de la frontière, donc à l’étranger.

   Sassan Kouao, homme libre, habité par un grand esprit patriotique, a choisi de son propre chef, de quitter définitivement la terre des Hommes, hors de son Pays natal qu’il chérissait, la Côte d’Ivoire. Sassan Kouao aurait pu revenir, mais il n’a pas accepté de compromission pour un retour. Sassan Kouao n’a pas voulu associer son nom aux tares qu’il exécrait, la corruption et la trahison. Quels enseignements tirer de la vie de Sassan Kouao ?

   Sassan est réputé grand planteur autodidacte. Doté d’un esprit entrepreneurial très aigu, on pourrait parler de génie, Sassan a su construire autour de sa principale activité, le travail de la terre, une entité florissante. Par une application judicieuse des contrats de métayage, Sassan a su s’entourer d’un personnel agricole dévoué qui lui a permis d’exploiter ses terres. En bon paysan, adepte de l’autosuffisance alimentaire et de la diversification, Sassan a développé une forte activité dans la riziculture. C’est d’ailleurs sur son complexe rizicole, en plein centre du village, qu’il nous recevait dans le cadre de nos activités syndicales d’antan. Conscient de ce que le mécanisme de stabilisation de l’époque était très défavorable aux producteurs, Sassan a développé une activité de commercialisation de ses produits et tissé de bonnes relations d’affaires avec les établissements financiers. L’un dans l’autre, Sassan a pu établir honorablement, et sa fortune et sa réputation, ce qui lui a valu les distinctions honorifiques de lauréat de la Coupe nationale du Progrès, d’officier dans l’ordre du mérite agricole, entre autres.

   Lorsqu’en 1990, Laurent Gbagbo engage la lutte politique en Côte d’Ivoire, pour l’instauration du multipartisme et la liberté d’expression, il annonce au monde paysan : «Donnez-moi le pouvoir et je vous le rendrai !». Sassan Kouao, parce qu’en citoyen épris de liberté, a gardé toutes ses marges de manœuvre vis-à-vis du parti unique, prend corps avec Laurent Gbagbo, s’engage résolument et milite ouvertement dans l’Opposition. Malgré toutes les vicissitudes, Sassan demeurera fidèle à ses engagements. Sassan Kouao est allé jusqu’au bout de la lutte pour la dignité comme l’a recommandé son frère et ami, le camarade Laurent Gbagbo.

   Dans l’Opposition, en sa qualité de membre des instances dirigeantes du Parti de Laurent Gbagbo, le Camarade Sassan Kouao a largement contribué à l’avènement et à l’animation des organisations de défense des droits des paysans initiées sous l’égide du FPI : le Syndicat national des agriculteurs de Côte d’Ivoire (SYNAGCI) et la Coopérative des agriculteurs de Côte d’Ivoire (COOPAGCI) sont nés. La personnalité de Sassan, comme celle de Coulibaly Mamadou Mapiéchon (de regrettée mémoire), planteur de coton à Korhogo, de même que celles de Bléhoué Aka Georges et Brou Adou Pagni ont donné à ces organisations initiées par Laurent Gbagbo un enracinement social et une envergure pan-nationale.

   Le SYNAGCI que j’ai eu la mission de diriger en qualité de Secrétaire général, avait pour PCA, l’honorable Sassan Kouao. Sous l’autorité de Sassan Kouao, le SYNAGCI s’est résolument engagé sur le front de la défense des intérêts des producteurs de cacao, café, anacarde, coton et ananas. Nos revendications et propositions ont fait l’objet de discussions au plus haut sommet et notre Bureau a pu à maintes occasions négocier avec les ministres chargés de l’Agriculture et quelquefois avec le Président Houphouët-Boigny. Les débats en présence de Sassan Kouao avaient un caractère épique tellement le Président Sassan avait le langage vif et se montrait intraitable avec sa logique paysanne.

   Devant nos interlocuteurs, il n’hésitait pas à brandir son livret de producteur du Ghana pour inviter les autorités ivoiriennes à suivre l’exemple de ce pays. Le Ghana a fait de la filière cacao un patrimoine national et s’est imposé le devoir de protéger les producteurs face aux spéculateurs nationaux et internationaux. Sassan a crûment interpelé les autorités de l’époque sur le fait que le succès de ce pays repose sur l’Agriculture, mais que les paysans en étaient les parents pauvres. Souventesfois, il a déclaré au cours des réunions qu’il ne craignait, ni suspension de salaire, ni mutation, ni révocation. Au contraire, les prébendes tirées de la vente des productions agricoles étaient à l’origine du train de vie de l’Etat. Une grève pure et dure des paysans serait dévastatrice pour l’Etat.

    Il nous a fait dire à une rencontre de la filière coton que les paysans producteurs étaient les sous-employés de la structure d’encadrement. En effet, l’endettement, en fin de campagne, plaçaient nombre de paysans à un niveau de traitement inférieur à celui des manœuvres de la structure. Quelquefois même, le producteur de coton était redevable à la structure. A titre d’anecdote, Sassan a apostrophé, en 1993, le Président de la République, Félix Houphouët-Boigny, en ces termes : «Tu es animiste (féticheur), tu bâtis une cathédrale avec notre argent ; cet argent aurait pu prolonger l’autoroute du Nord vers Yamoussoukro au bénéfice de tous les usagers sans exclusive».

   Notre interlocuteur du jour, sage comme à son accoutumée, a fait comme s’il n’avait pas entendu. Ce jour-là, j’avoue, Sassan Kouao a dû se doper un peu. Car, en réalité Sassan était un personnage qui aimait être discret. En phase avec les enseignements de son Parti sur la question, Sassan Kouao a défendu une plus juste rémunération du travail des planteurs et l’assurance maladie à partir des fonds générés par la commercialisation de leur production.

   Lorsque Laurent Gbagbo accède au pouvoir d’Etat en 2000, Sassan est nommé avec d’autres acteurs du monde rural, au Comité des Sages de la filière CAFE-CACAO. Leur mission est loin des centres de décision. On connaît la suite.

    Heureusement, la grave crise survenue dans la filière n’a pas concerné ces illustres personnalités dont Sassan Kouao. Leur honorabilité n’en a pas souffert pour ce que nous savons de ce dossier.

De 2002 à 2010, durant toute la période où a sévi la rébellion armée, Sassan Kouao a montré son attachement aux valeurs républicaines et sa loyauté au Président Laurent Gbagbo. A la présidentielle de 2010, Sassan prend une part active à la campagne pour la réélection de son Président. Lorsqu’éclate la crise militaro-politique post-électorale, Sassan affiche une détermination intraitable pour la défense de la République aux côtés des Patriotes. Après Avril 2011, Sassan est obligé de se réfugier au Ghana. Avec son cortège de pillage et de confiscation de biens.

   Sassan va passer plus de neuf ans en exil aux portes de son village.

En adoptant cette posture, Sassan Kouao a refusé tout reniement, démontrant ainsi une exceptionnelle résistance qui fera date dans l’Histoire du Parti et du pays. Laurent Gbagbo, entretemps le nomme en janvier 2020, au Conseil politique permanent (CPP), instance de veille et de conseil du Parti présidé par le Gouverneur Gnahoré Jean Baptiste, au même titre que votre serviteur. Désormais, Sassan Kouao nous quitte. Nous allons nous séparer de sa dépouille tout à l’heure et la rendre à la terre de Niablé qui l’a vu naître, près de ses ancêtres. Les Saintes Ecritures disent :«Tu es poussière, et tu retourneras en poussière.» Nous nous inclinons devant ce commandement implacable.

    Sassan Kouao, que ton âme repose en paix ! Que la terre de Niablé te soit légère ! Que tes ancêtres te célèbrent comme un digne descendant ! Que le Seigneur Miséricordieux ne regarde pas tes fautes, mais qu’Il regarde tes œuvres envers l’Autre et envers l’Eglise ! Que le Dieu Tout-Puissant t’accorde son Paradis.

   Mais, Sassan, tu ne mourras pas dans les cœurs de tes camarades, Laurent Gbagbo, Simone Ehivet Gbagbo, Assoa Adou, et tous les autres militants. Tu vivras dans notre esprit car les héros ne meurent jamais. Sassan, tu es un héros pour nous militants Gbagbo ou rien (GOR). Tu resteras un modèle achevé de la lutte pour la dignité et pour l’émancipation de l’Homme.

Camarade Sassan Kouao Edouard,

  Tu as rejoint Jean Kadio-Morokro, Emile Boga Doudou, Sangaré Abou Drahamane et le cortège de tous les militants du Parti de Laurent Gbagbo qui nous ont précédés pour le long voyage. Le Parti a besoin de vous pour sa cohésion, EDS compte sur votre manifestation dans la phase actuelle de la lutte politique.

    A vous, enfants et petits-enfants de Sassan Kouao, mais aussi à nous militants, Sassan nous laisse en héritage deux richesses, une à valeur matérielle et l’autre à valeur spirituelle.

   Au nom du Président Laurent Gbagbo, je nous exhorte tous, à conserver précieusement cet héritage.

    Pour la première richesse, «travaillons, prenons de la peine, c’est le fonds qui manque le moins», car le travail est un trésor pour notre patrimoine personnel, notre Parti et notre Patrie. Pour l’honneur, «résistons à toute forme d’assujettissement, exécrons, c’est-à-dire, ayons en horreur la compromission, c’est la conviction qui élève le plus» et laisse de bonnes traces pour l’Humanité. Ce faisant, nous rendrons le plus bel hommage à l’illustre disparu, Sassan Kouao Edouard, et accomplirons notre devoir impérieux de militant dans le contexte politique et social de notre pays.

    Je voudrais terminer en paraphrasant la page de couverture du livret édité en hommage à notre regretté Sassan Kouao Edouard : «Quand une âme s’est éteinte en ce bas-monde, c’est qu’elle brille dans un autre fait de beauté et de paix.»

     Alors, chers parents de Niablé, amis et connaissances de Sassan Kouao Edouard, yako et soyons tous dans la Paix.

 Fait à Niablé, le 20 février 2021

Pour le Conseil politique permanant

Le ministre Léon Emmanuel Monnet

(Membre)