Honorables personnalités,
Le Tam-tam parleur
royal nous a salués en nos rangs, grades et qualités, tous protocoles
respectés.
Au nom du Président
Laurent Gbagbo et du ministre Dano Djédjé, chef de délégation, permettez-moi de
présenter mes respects aux Hautes Autorités de l’Etat à travers le ministre
Adom, aux Autorités religieuses et à la Notabilité à travers le Chef de Canton
de Niablé. Je remercie particulièrement nos chefs coutumiers pour leur
mobilisation qui témoigne de l’estime qu’ils portent à Sassan Kouao.
Je me tourne à
présent vers le ministre Assoa Adou, cousin du défunt, pour lui dire Yako,
ainsi qu’à tous les proches de Sassan Kouao.
Sassan Kouao
Edouard,
Je m’adresse à toi.
La terre de Côte d’Ivoire, et en particulier celle de Niablé, va te recevoir
pour y reposer. Cette terre que tu as creusée, fouillée, bêchée, à l’image du
riche laboureur de la fable. Mais, frères et sœurs, la fortune, la notoriété,
de même que la mort en exil de Sassan ne sont pas des fables. Nous en
constatons la réalité à ces grandioses funérailles.
Sassan Kouao était
grand planteur connu et reconnu. Il s’est éteint en exil au mois de Septembre
2020 après avoir vécu quasiment dix années durant, réfugié au Ghana voisin.
Pourtant les terres de Niablé en Côte d’Ivoire, village natal de Sassan, se
prolongent au Ghana où l’illustre défunt compte de la famille. Sassan a donc
rendu l’âme juste à côté mais de l’autre côté de la frontière, donc à
l’étranger.
Sassan Kouao, homme
libre, habité par un grand esprit patriotique, a choisi de son propre chef, de
quitter définitivement la terre des Hommes, hors de son Pays natal qu’il
chérissait, la Côte d’Ivoire. Sassan Kouao aurait pu revenir, mais il n’a pas
accepté de compromission pour un retour. Sassan Kouao n’a pas voulu associer
son nom aux tares qu’il exécrait, la corruption et la trahison. Quels
enseignements tirer de la vie de Sassan Kouao ?
Sassan est réputé
grand planteur autodidacte. Doté d’un esprit entrepreneurial très aigu, on
pourrait parler de génie, Sassan a su construire autour de sa principale
activité, le travail de la terre, une entité florissante. Par une application
judicieuse des contrats de métayage, Sassan a su s’entourer d’un personnel
agricole dévoué qui lui a permis d’exploiter ses terres. En bon paysan, adepte
de l’autosuffisance alimentaire et de la diversification, Sassan a développé
une forte activité dans la riziculture. C’est d’ailleurs sur son complexe
rizicole, en plein centre du village, qu’il nous recevait dans le cadre de nos
activités syndicales d’antan. Conscient de ce que le mécanisme de stabilisation
de l’époque était très défavorable aux producteurs, Sassan a développé une
activité de commercialisation de ses produits et tissé de bonnes relations
d’affaires avec les établissements financiers. L’un dans l’autre, Sassan a pu
établir honorablement, et sa fortune et sa réputation, ce qui lui a valu les
distinctions honorifiques de lauréat de la Coupe nationale du Progrès,
d’officier dans l’ordre du mérite agricole, entre autres.
Lorsqu’en 1990,
Laurent Gbagbo engage la lutte politique en Côte d’Ivoire, pour l’instauration
du multipartisme et la liberté d’expression, il annonce au monde paysan :
«Donnez-moi le pouvoir et je vous le rendrai !». Sassan Kouao, parce qu’en
citoyen épris de liberté, a gardé toutes ses marges de manœuvre vis-à-vis du
parti unique, prend corps avec Laurent Gbagbo, s’engage résolument et milite
ouvertement dans l’Opposition. Malgré toutes les vicissitudes, Sassan demeurera
fidèle à ses engagements. Sassan Kouao est allé jusqu’au bout de la lutte pour
la dignité comme l’a recommandé son frère et ami, le camarade Laurent Gbagbo.
Dans l’Opposition,
en sa qualité de membre des instances dirigeantes du Parti de Laurent Gbagbo,
le Camarade Sassan Kouao a largement contribué à l’avènement et à l’animation
des organisations de défense des droits des paysans initiées sous l’égide du
FPI : le Syndicat national des agriculteurs de Côte d’Ivoire (SYNAGCI) et la
Coopérative des agriculteurs de Côte d’Ivoire (COOPAGCI) sont nés. La
personnalité de Sassan, comme celle de Coulibaly Mamadou Mapiéchon (de
regrettée mémoire), planteur de coton à Korhogo, de même que celles de Bléhoué
Aka Georges et Brou Adou Pagni ont donné à ces organisations initiées par
Laurent Gbagbo un enracinement social et une envergure pan-nationale.
Le SYNAGCI que j’ai
eu la mission de diriger en qualité de Secrétaire général, avait pour PCA,
l’honorable Sassan Kouao. Sous l’autorité de Sassan Kouao, le SYNAGCI s’est
résolument engagé sur le front de la défense des intérêts des producteurs de
cacao, café, anacarde, coton et ananas. Nos revendications et propositions ont
fait l’objet de discussions au plus haut sommet et notre Bureau a pu à maintes
occasions négocier avec les ministres chargés de l’Agriculture et quelquefois
avec le Président Houphouët-Boigny. Les débats en présence de Sassan Kouao
avaient un caractère épique tellement le Président Sassan avait le langage vif
et se montrait intraitable avec sa logique paysanne.
Devant nos
interlocuteurs, il n’hésitait pas à brandir son livret de producteur du Ghana
pour inviter les autorités ivoiriennes à suivre l’exemple de ce pays. Le Ghana
a fait de la filière cacao un patrimoine national et s’est imposé le devoir de
protéger les producteurs face aux spéculateurs nationaux et internationaux.
Sassan a crûment interpelé les autorités de l’époque sur le fait que le succès
de ce pays repose sur l’Agriculture, mais que les paysans en étaient les
parents pauvres. Souventesfois, il a déclaré au cours des réunions qu’il ne
craignait, ni suspension de salaire, ni mutation, ni révocation. Au contraire,
les prébendes tirées de la vente des productions agricoles étaient à l’origine
du train de vie de l’Etat. Une grève pure et dure des paysans serait
dévastatrice pour l’Etat.
Il nous a fait
dire à une rencontre de la filière coton que les paysans producteurs étaient
les sous-employés de la structure d’encadrement. En effet, l’endettement, en
fin de campagne, plaçaient nombre de paysans à un niveau de traitement
inférieur à celui des manœuvres de la structure. Quelquefois même, le
producteur de coton était redevable à la structure. A titre d’anecdote, Sassan
a apostrophé, en 1993, le Président de la République, Félix Houphouët-Boigny,
en ces termes : «Tu es animiste (féticheur), tu bâtis une cathédrale avec notre
argent ; cet argent aurait pu prolonger l’autoroute du Nord vers Yamoussoukro
au bénéfice de tous les usagers sans exclusive».
Notre interlocuteur
du jour, sage comme à son accoutumée, a fait comme s’il n’avait pas entendu. Ce
jour-là, j’avoue, Sassan Kouao a dû se doper un peu. Car, en réalité Sassan
était un personnage qui aimait être discret. En phase avec les enseignements de
son Parti sur la question, Sassan Kouao a défendu une plus juste rémunération
du travail des planteurs et l’assurance maladie à partir des fonds générés par
la commercialisation de leur production.
Lorsque Laurent
Gbagbo accède au pouvoir d’Etat en 2000, Sassan est nommé avec d’autres acteurs
du monde rural, au Comité des Sages de la filière CAFE-CACAO. Leur mission est
loin des centres de décision. On connaît la suite.
Heureusement, la
grave crise survenue dans la filière n’a pas concerné ces illustres
personnalités dont Sassan Kouao. Leur honorabilité n’en a pas souffert pour ce
que nous savons de ce dossier.
De 2002 à 2010, durant toute la période où a sévi la
rébellion armée, Sassan Kouao a montré son attachement aux valeurs
républicaines et sa loyauté au Président Laurent Gbagbo. A la présidentielle de
2010, Sassan prend une part active à la campagne pour la réélection de son
Président. Lorsqu’éclate la crise militaro-politique post-électorale, Sassan
affiche une détermination intraitable pour la défense de la République aux
côtés des Patriotes. Après Avril 2011, Sassan est obligé de se réfugier au
Ghana. Avec son cortège de pillage et de confiscation de biens.
Sassan va passer
plus de neuf ans en exil aux portes de son village.
En adoptant cette posture, Sassan Kouao a refusé tout
reniement, démontrant ainsi une exceptionnelle résistance qui fera date dans
l’Histoire du Parti et du pays. Laurent Gbagbo, entretemps le nomme en janvier
2020, au Conseil politique permanent (CPP), instance de veille et de conseil du
Parti présidé par le Gouverneur Gnahoré Jean Baptiste, au même titre que votre
serviteur. Désormais, Sassan Kouao nous quitte. Nous allons nous séparer de sa
dépouille tout à l’heure et la rendre à la terre de Niablé qui l’a vu naître,
près de ses ancêtres. Les Saintes Ecritures disent :«Tu es poussière, et tu
retourneras en poussière.» Nous nous inclinons devant ce commandement
implacable.
Sassan Kouao, que
ton âme repose en paix ! Que la terre de Niablé te soit légère ! Que tes
ancêtres te célèbrent comme un digne descendant ! Que le Seigneur
Miséricordieux ne regarde pas tes fautes, mais qu’Il regarde tes œuvres envers
l’Autre et envers l’Eglise ! Que le Dieu Tout-Puissant t’accorde son Paradis.
Mais, Sassan, tu ne
mourras pas dans les cœurs de tes camarades, Laurent Gbagbo, Simone Ehivet
Gbagbo, Assoa Adou, et tous les autres militants. Tu vivras dans notre esprit
car les héros ne meurent jamais. Sassan, tu es un héros pour nous militants
Gbagbo ou rien (GOR). Tu resteras un modèle achevé de la lutte pour la dignité
et pour l’émancipation de l’Homme.
Camarade Sassan Kouao Edouard,
Tu as rejoint Jean
Kadio-Morokro, Emile Boga Doudou, Sangaré Abou Drahamane et le cortège de tous
les militants du Parti de Laurent Gbagbo qui nous ont précédés pour le long
voyage. Le Parti a besoin de vous pour sa cohésion, EDS compte sur votre
manifestation dans la phase actuelle de la lutte politique.
A vous, enfants et
petits-enfants de Sassan Kouao, mais aussi à nous militants, Sassan nous laisse
en héritage deux richesses, une à valeur matérielle et l’autre à valeur
spirituelle.
Au nom du Président
Laurent Gbagbo, je nous exhorte tous, à conserver précieusement cet héritage.
Pour la première
richesse, «travaillons, prenons de la peine, c’est le fonds qui manque le
moins», car le travail est un trésor pour notre patrimoine personnel, notre
Parti et notre Patrie. Pour l’honneur, «résistons à toute forme
d’assujettissement, exécrons, c’est-à-dire, ayons en horreur la compromission,
c’est la conviction qui élève le plus» et laisse de bonnes traces pour
l’Humanité. Ce faisant, nous rendrons le plus bel hommage à l’illustre disparu,
Sassan Kouao Edouard, et accomplirons notre devoir impérieux de militant dans
le contexte politique et social de notre pays.
Je voudrais
terminer en paraphrasant la page de couverture du livret édité en hommage à
notre regretté Sassan Kouao Edouard : «Quand une âme s’est éteinte en ce
bas-monde, c’est qu’elle brille dans un autre fait de beauté et de paix.»
Alors, chers
parents de Niablé, amis et connaissances de Sassan Kouao Edouard, yako et
soyons tous dans la Paix.
Fait à Niablé, le 20 février 2021
Pour le Conseil politique permanant
Le ministre Léon Emmanuel Monnet
(Membre)